Jérémie Leblond-Fontaine

La faune

Exploitation, mise en valeur et conservation de la faune

Le MFFP a donné le mandat aux zecs d’assurer le contrôle du prélèvement faunique des espèces d’intérêt socio-économique (chasse au gros et au petit gibier, pêche). La superficie et le type de coupe forestière ont une grande incidence sur le maintien des habitats fauniques de qualité. En rajeunissant les peuplements forestiers, la coupe avantage certaines espèces et contraint certaines autres. Une répartition adéquate des coupes dans le temps et l’espace est la clé pour maintenir les communautés fauniques dans le paysage.

Les espèces présentées sont les vedettes de la chasse et du piégeage en Mauricie. L’effet des traitements sylvicoles sur leur comportement est présenté sous forme de tableau.

L’orignal

L’orignal

L’orignal est un cervidé présent dans l’ensemble du Québec. L’espèce préfère les forêts mixtes avec une strates arbustive abondante à proximité de forêts matures qui lui servent d’abris. On le trouve donc beaucoup dans les lisières boisées.

Domaine vital
environ 25 km² en Mauricie.
Jérémie Leblond-Fontaine

L'importance pour les ZECs

L’orignal est sans équivoque l’espèce vedette dans les Zecs de la Mauricie, chassé pour sa viande et convoité pour l’aspect sportif.

Un plan de gestion provincial a été mis sur pied pour maintenir ou améliorer les populations d’orignaux, notamment en protégeant davantage les femelles adultes. De 2000 à 2019, en moyenne 530 orignaux par année sont chassés sur l’ensemble de zecs de la Mauricie.

Gestion intégrée

L’orignal aime les habitats de bordures : l’interface entre la forêt mature et la forêt en régénération. La clé d’un bon aménagement est dans la répartition spatiale des coupes en régénération et les massifs forestiers matures. Les coupes récentes dont les arbres ont moins de 2,5 m ne constituent pas un milieu de nourriture abondant. L’orignal se déplace donc davantage dans un contexte de récolte récente et intensive, ce qui augmente les risques de prédation. Aussi, un réseau routier forestier développé augmente le risque de collision avec les orignaux.

Une nourriture abondante augmente les chances que les femelles donnent naissance à deux veaux au lieu d’un. Toutefois, un trop gros débalancement entre le couvert de nourriture et le couvert de protection peut engendrer une pression de chasse excessive. Les orignaux sont alors visibles plus facilement par les chasseurs à partir des bûchers, en plus du réseau routier développé facilitant la prospection sur un plus grand territoire. Aussi, la quiétude en période de chasse a un impact sur le succès de chasse et la qualité de l’expérience du chasseur. S’il y a trop de pollution sonore pendant le jour, les orignaux vont préférer se déplacer de nuit, après les heures où la chasse est permise.

L’orignal souffre facilement de chaleur l’été, dès 20 degré Celsius. Il ne peut pas réguler sa température en suant et a donc besoin d’un milieu frais pour sa thermorégulation, comme un tapis de sphaigne gorgé d’eau.

La martre

La martre

La martre est un mustélidé carnivore que l’on retrouve surtout dans les vieilles forêts mixtes et résineuses. C’est une espèce sensible à la fragmentation de la forêt.

Domaine vital
5-10 km² (mâle) et 3,5-5 km² (femelle)
Jérémie Leblond-Fontaine

L'importance pour les ZECs

La martre est l’une des espèces vedettes pour le commerce de la fourrure. Les trappeurs l’apprécient donc beaucoup et la fourrure est parfois vendue sous le nom de zibeline du Canada. Animal nerveux et farouche, peu de gens peuvent se vanter de l’avoir vu de leurs yeux.

Gestion intégrée

La martre recherche les vieilles forêts à dominance résineuse avec une structure complexe, c’est-à-dire des arbres et arbustes de différentes tailles qui réduisent le champ de vision dans un peuplement. Elle a besoin de forêt fermée en continu dans le paysage et le maintien en permanence des caractéristiques de massifs forestiers. Elle recherche également des forêts avec de gros arbres morts sur pied et au sol. Les chicots de gros diamètre lui servent de couvert pour la chasse, la protection et l’élevage des portées. La femelle peut avoir de 1 à 5 petits par an.

Ultimement, c’est l’abondance de proies qui détermine la grandeur de son domaine vital. La martre se nourrit principalement de campagnols et de lièvre, mais aussi d’oiseaux, de fruits et d’insectes.

Schéma sur l’effet de bordure dans une forêt fragmentée
Schéma sur l’effet de bordure dans une forêt fragmentée

Il est possible d’adapter l’aménagement en diminuant l’effet de bordure en ajustant la taille des blocs de coupe (entre 70 et 150 ha). Tel qu’illustré sur le schéma, les autres espèces vedettes fréquentent les lisières boisées. La réduction de forêt dites d’intérieures (vert foncé) suite à la fragmentation du massif forestier cause la disparition de la martre dans le secteur.

La gélinotte

La gélinotte

Aussi appelé perdrix, la gélinotte huppée est un oiseau qui passe la majorité de sa vie au sol et maîtrise l’art du camouflage avec brio. On la retrouve surtout dans les forêts feuillues et mixtes, qui lui procurent nourriture et couvert de protection. Elle fréquente surtout les lisières boisées et les ouvertures dans les peuplements. La gélinotte se nourrit de chatons et de bourgeons des semis de feuillus (peuplier, bouleau, cerisier, viorne, etc), puis de baies d’arbres fruitiers. La mortalité chez les adultes est principalement causée par la prédation d’oiseaux de proie (grand-duc d’Amérique, épervier) et de mammifères carnivores. Des printemps longs et pluvieux peuvent augmenter la mortalité des poussins.

Domaine vital
moins de 100 ha.
Celui de la femelle est plus élevé (14 à 60 ha) que celui du mâle (2,4 à 12 ha).
Jérémie Leblond-Fontaine

L'importance pour les ZECs

Les chasseurs de petits gibiers sont friands de gélinotte. Depuis 2000, en moyenne 8400 gélinottes sont chassées par année sur l’ensemble des zecs de la Mauricie. Jusqu’à 50% de la population peut être prélevée en automne, sans nuire aux années suivantes. Son nom latin Bonasa signifie « bon lorsque rôti », ce qui en dit long sur l’intérêt pour sa viande!

Gestion intégrée

La gélinotte a besoin d’habitats variés pour compléter son cycle vital. Le mâle reste toute sa vie dans l’habitat de tambourinage, alors que la femelle change d’environnement en fonction de son cycle vital (reproduction, nidification, élevage).

Pour aménager un habitat favorable pour la gélinotte, un mélange de lisière boisée et de forêt intermédiaire doit s’entremêler sur une superficie de quelques hectares, en fonction du domaine vital.

Le lièvre

Le lièvre

Le lièvre est un petit mammifère souvent associé aux jeunes forêts de conifères. Il peut vivre dans plusieurs types de forêt, mais préfère les zones où des petits arbres et arbustes recouvrent le sol. Ce type de couvert le protège des prédateurs et lui sert de garde-manger.

Domaine vital
2 à 16 ha.
Jérémie Leblond-Fontaine

L'importance pour les ZECs

Le lièvre est également une espèce que les piégeurs apprécient pour sa viande et sa fourrure. Il est surtout piégé avec un collet, généralement du début de décembre à la fin de février. Entre 2000 et 2019, en moyenne, 400 lièvres par année ont été chassés sur l’ensemble des zecs de la Mauricie.

Gestion intégrée

Le lièvre préfère les milieux où le sol est couvert par les branches latérales des arbres et arbustes. Il se nourrit principalement de plantes herbacées (pissenlit, trèfle, fougère), de jeunes tiges d’arbustes fruitiers et de feuillage frais d’arbres. L’hiver, il s’alimente de bourgeons, de ramilles et d’écorce. La femelle peut avoir jusqu'à 4 portées par an, de 1 à 9 petits chacune. Des fluctuations de populations surviennent à chaque 10 ans environ, étroitement liées aux populations de l’un de ses prédateurs: le lynx d’Amérique.

Plus il y a de coupes récentes dans le paysage, plus le lièvre doit parcourir de plus grandes distances pour répondre à ses besoins vitaux. Considérant le domaine vital restreint de l’espèce, le déboisement entraîne souvent la transformation complète de tout l'espace normalement utilisé en raison de la taille des parterres de coupe. La répartition spatiale et temporelle adéquate des coupes peut répondre à cet enjeu.

Utilisation par la faune

Couvert d’alimentation : peuplement de 4 m et plus.
Couvert de protection : forêt mature avec des strates intermédiaires d’arbustes et de jeunes arbres pour diminuer le champ de vision dans la forêt.
Habitat d’été : milieux humides, forêt adjacente de résineux avec un tapis de sphaigne.

Pour en savoir plus
Sirard, S. 2014. Recueil des enjeux de gestion intégrée dans les zecs du Québec. Zecs Québec et Fondation de la faune du Québec. 202 p.

Utilisation des types de coupe par l’orignal à différents moments après coupe

Utilisation des types de coupe par l’orignal à différents moments après coupe

Adaptation de Sirard et al. 2014

Utilisation par la faune

Tolère max 30 à 40% de forêts < 7 m dans son domaine vital

Évite les CPRS jusqu’à 40 ans après la coupe

Évite les plantations

La coupe partielle irrégulière avec couvert permanent conserve la structure complexe recherchée. C’est le seul type de traitement qui n’a pas d’incidence à court terme sur les habitudes de la martre.

Pour en savoir plus
Sirard, S. 2014. Recueil des enjeux de gestion intégrée dans les zecs du Québec. Zecs Québec et Fondation de la faune du Québec. 202 p.

Utilisation des types de coupe par la martre d’Amérique à différents moments après coupe

Utilisation des types de coupe par la martre d’Amérique à différents moments après coupe

Adaptation de Sirard et al. 2014

Utilisation par la faune

Tambourinage : Pendant la saison des amours au printemps, le mâle tambourine pour attirer les femelles et repousser les autres mâles. Il monte sur le tronc d’arbres morts au sol. Peuplements mixtes à prédominance feuillue âgés de 15 à 25 ans.

Élevage des couvées : Les jeunes sont vulnérables à la prédation et ont besoin d’un couvert dense pour assurer la protection. Jeunes peuplements mixtes âgés entre 4 et 15 ans.

Nidification : Endroit où la femelle peut voir les prédateurs arriver de loin: elle mise sur le camouflage. Peuplements dont la strate arbustive est absente, dont les vieilles forêts peu dense.

Habitat d’hiver : Les branches basses des conifères lui procurent un couvert de protection. Peuplements mixtes âgés de 25 à 30 ans, présence d’îlots de conifères.

Pour en savoir plus
Sirard, S. 2014. Recueil des enjeux de gestion intégrée dans les zecs du Québec. Zecs Québec et Fondation de la faune du Québec. 202 p.
Bumann, 2002. Factors influencing predation on ruffed grouse in the Appalachians. Virginia Tech.

Utilisation des types de coupe par la gélinotte huppée à différents moments après coupe

Utilisation des types de coupe par la gélinotte huppée à différents moments après coupe

Adaptation de Sirard et al. 2014

Utilisation par la faune

Les coupes conservant une strate d’arbres entre 4 et 12 m de hauteur.

Les coupes qui limitent l’ouverture de la canopée.

Les chances de survie après coupe sont beaucoup plus faibles dans un contexte de CPRS (98% de récolte). Les séparateurs de coupe laissés sur place, d’une largeur de 60 m, sont utilisés comme corridor de déplacement, mais ne suffisent pas à maintenir les populations dans un paysage fortement soumis à la coupe forestière. Le lièvre revient après 20 ans dans la CPRS.

Pour en savoir plus
Sirard, S. 2014. Recueil des enjeux de gestion intégrée dans les zecs du Québec. Zecs Québec et Fondation de la faune du Québec. 202 p.

Utilisation des types de coupe par le lièvre d’Amérique à différents moments après coupe

Utilisation des types de coupe par le lièvre d’Amérique à différents moments après coupe

Adaptation de Sirard et al. 2014